Valls et Sellal : des généralités entrecoupées de critiques « amicales »
Lors d'une conférence de presse tenue, ce dimanche 10 avril, au Palais du Gouvernement à Alger dans le cadre du 3e Comité intergouvernemental de haut de niveau (CIHN) Algéro-français, le Premier ministre algérien Abdelmalek Sellal et son homologue français, Manuel Valls, ont passé en revue les principaux sujets de la relation bilatérale : Sahara oc...
Lors d'une conférence de presse tenue, ce dimanche 10 avril, au Palais du Gouvernement à Alger dans le cadre du 3e Comité intergouvernemental de haut de niveau (CIHN) Algéro-français, le Premier ministre algérien Abdelmalek Sellal et son homologue français, Manuel Valls, ont passé en revue les principaux sujets de la relation bilatérale : Sahara occidental, partenariat et coopération économique, sécurité, la polémique sur le refus de visa à des journalistes français…
Leurs déclarations, cordiales et amicales à souhait, étaient tout de même entrecoupées de critiques, laissant transparaître quelques sujets de désaccords persistants dans la relation entre l'Algérie et la France.
« Une relation exceptionnelle » mais « il y a des forces qui veulent y nuire »
Les deux Premiers ministres ont voulu marquer le coup lors de la 3e session du CIHN. Tour à tour, Sellal et Valls ont insisté sur l'importance de cette rencontre marquée, pour la première fois, par la présence de 10 ministres du gouvernement français. En présence des principaux membres des deux Exécutifs, Sellal et Valls ont insisté sur la signature de 26 accords de coopération entre les deux gouvernements, ainsi qu'une douzaine de contrats à caractère économique.
Sellal et Valls ont notamment attiré l'attention sur la signature d'un accord entre les deux ministères de la Justice, en vue d'améliorer « l'entraide et la coopération judiciaire ». Sellal a également appelé à l'amélioration de la circulation des personnes entre les deux pays. Le Premier ministre algérien a également évoqué la signature « dans les mois à venir » de contrats avec Peugeot et Air Liquide, confirmant le report de cet accord, initialement prévu à la signature lors de ce CIHN.
Manuel Valls a salué la vision commune du président algérien, Abdelaziz Bouteflika et de son homologue français, François Hollande, qui ont « donné un tour exceptionnel » à la relation entre les deux pays. « Rien ne doit entraver cette relation » a-t-il martelé, avant d'adresser une mise en garde : « Il y a des forces qui veulent nuire à la relation, sachez-le », prévient Manuel Valls. Qui ? On n'en sera pas plus.
Enfin, fidèle à ses habitudes, le Premier ministre Abdelmalek Sellal a usé d'un ton humoristique pour détendre l'atmosphère et clore le chapitre : « Entre l'Algérie et la France, c'est toujours un grand ciel bleu », plaisante-t-il, en référence au temps clément qui prévaut actuellement à Alger.
Terrorisme et sécurité : la France remercie l'Algérie
Dans le domaine de la lutte antiterroriste, Sellal a mis en avant le rôle déterminant de l'Algérie. Rappelant le retour progressif de la sécurité, le Premier ministre algérien a appelé à écarter et combattre « la haine », qui nourrit ces organisations terroristes. Il a également insisté sur la nécessité de ne pas faire « d'amalgame entre terrorisme et Islam ». Une allusion à peine voilée aux discours parfois à la limite de l'islamophobie de certains responsables politiques français, dont des ministres du gouvernement Valls.
De son côté, Manuel Valls a remercié l'Algérie pour sa contribution dans l'apaisement du conflit au Mali, notamment à travers l'accord d'Alger. Il a rappelé le lourd tribut, « terrible » qu'a dû payer l'Algérie face au terrorisme, avant de faire une déclaration lourde de sens : « Nous, la communauté internationale, en Europe et en France, aurions dû mieux comprendre ce qui se passait dans les années 1990 et les décisions difficiles qu'a dû prendre l'Algérie ».
Il a ensuite salué et remercié le gouvernement algérien pour sa coopération dans le domaine de la lutte antiterroriste. En général, les deux Premiers ministres ont relevé « une convergence de vue » sur le dossier du Sahel et de la Libye notamment, appelant à une « solution politique ».
Sahara occidental : la France campe sur ses positions
Abdelmalek Sellal a parlé d'un débat « franc et fort » dans le domaine politique et sécuritaire, juste avant d'aborder la question du Sahara occidental, principal point de discorde ces derniers jours entre les deux gouvernements. Le Premier ministre algérien a rappelé l'impératif de permettre « l'autodétermination » du peuple sahraoui et a insisté sur un « retour, toujours, à la légalité internationale et ce qui a été décidé par l'ONU », en référence à la tenue d'un référendum sur l'autodétermination.
Son homologue français a botté en touche. Appelant à une solution politique mutuellement acceptée, Manuel Valls a rappelé que « la position de la France n'a pas changé ». Son pays reste fidèle à ses positions et « prend ses responsabilités, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies », déclare-t-il.
Le partenariat économique défavorable à l'Algérie ?
Les deux premiers ministres ont également abordé le partenariat économique algéro-français. L'occasion pour un journaliste d'interroger Sellal et Valls sur un déséquilibre dans la relation et sur une préférence de la France envers le Maroc, en termes d'investissements.
Ce à quoi Manuel Valls répond que la France ne compare pas sa relation avec l'Algérie avec un autre pays, en référence au Maroc. « Cela n'a pas de sens », selon lui. « L'Algérie est un grand pays, la France aussi », estime-t-il, affirmant que plusieurs centaines de millions d'euros sont engagés à travers les accords signés entres les partenaires des deux pays. Et « ils vont se concrétiser », promet-il.
De son côté, Sellal répond que le gouvernement algérien n'a pas à intervenir dans les relations entre les entreprises. « Nous accompagnons et nous aidons », affirme-t-il. Cela dit, l'Algérie compte sur ses partenaires traditionnels, dont la France pour atteindre « notre objectif de réorienter notre stratégie vers une diversification, pour nous en sortir et sortir du suivisme des hydrocarbures ».
Sellal semble tout de même adresser une critique à peine voilée : « dans un partenariat, chaque partie doit gagner. On ne peut pas concevoir de s'associer avec un partenaire français alors que l'on perd de l'argent », dit-il. Il arrachera un petit rire (nerveux ?) à son homologue français lorsqu'il déclare, dans ce contexte et juste avant de lever la séance : « Nous ne sommes pas nés d'hier ».
La question sur les visas refusés à des médias français : un scénario millimétré ?
Avant même l'ouverture de la séance de question-réponse avec la presse, un journaliste français s'est vu remettre un micro par une des membres de la délégation française chargée du protocole. Il prend donc la parole alors que le Premier ministre tendait la main pour accorder une question à un autre journaliste.
Avant d'être une question, la prise de parole du journaliste français était « une déclaration lue au nom de toute la presse française », précise-t-il. Dénonçant la décision algérienne de refuser la délivrance d'un visa aux journalistes des médias français Le Monde et Canal + (Le Petit Journal), l'orateur a tenu « à exprimer la solidarité de l'ensemble de la presse française » avec leurs confrères.
Il interpelle ensuite son Premier ministre ainsi que le Premier ministre algérien qui répond, d'abord, sur un ton ironique : « regardez toute cette presse », dit-il en montrant l'assistance. « Au moins 86 journalistes et un nombre de photographe que je n'ai pas en tête », poursuit Sellal.
Abdelmalek Sellal enchaîne : « Sachez qu'un grand effort est fait pour préserver la presse et la liberté d'expression. L'Algérie est l'un des rares pays dans le monde à avoir inscrit dans le marbre et constitutionnalisé la liberté de la presse », précise Sellal. « Jamais (!) nous ne mettrons un journaliste en prison », insiste le Premier ministre.
Rappelant la « une » tendancieuse du quotidien français Le Monde suggérant une implication du président Abdelaziz Bouteflika dans le scandale des « Panama papers », Sellal affirme que ce média « respectable et respecté s'est permis de porter atteinte à l'honneur et au prestige de la plus importante institution du pays. Il a porté atteinte à un symbole alors que l'information était fausse », rappelant que c'est une offense punie par la loi.
Sellal se lance ensuite dans un éloge du parcours du président Bouteflika, « un homme qui a donné sa vie pour son pays ». Il poursuit en affirmant : « aucun Algérien, ou presque, n'accepte que son président soit vilipendé ainsi ».
C'est alors que Manuel Valls intervient pour, à son tour, assurer le président Bouteflika de son « profond respect, affection et soutien ». Confirmant la liberté de la presse remarquée dans la presse algérienne, le Premier ministre français déclare : « Il y a bien une liberté. Et vous [en touchant le bras de Sellal], comme moi sommes les victimes, ou du moins les cibles de cette liberté de ton », arrachant un sourire et léger haussement d'épaules à son homologue algérien.
Un couac protocolaire : les ministres Bouchouareb et Louh se retrouvent sans chaise
En début de conférence de presse, alors que la ministre française de l'Éducation, Najat Vallaud-Belkacem était allée saluer et échanger quelques mots avec la presse française, les ministres algériens et français ont pris place aux premiers rangs. Seulement, Tayeb Louh, ministre de la Justice, garde des Sceaux, s'avance et ne trouve pas de place assise. Hésitant, il lève les bras et regarde le ministre de l'Industrie et des mines, Abdeslam Bouchouareb, resté en retrait.
Après un moment de flottement, un agent du protocole s'avance, fait lever un journaliste et avance une chaise au ministre de la Justice. C'est alors que Bouchouareb se rapproche également, pensant le problème réglé. Point du tout, il se retrouve à son tour, debout au milieu de l'assistance. Petit vent de panique parmi les éléments du protocole, jusqu'à ce qu'un journaliste, encore un, lui cède sa place volontairement pour que le ministre de l'Industrie puisse prendre place.
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